Que la régulation sociale des marchés de l’immobilier soit un thème d’Habitat III!

L’Habitat pour le Peuple – Non pas pour le profit!

Groupe de travail
international
pour la promotion de la régulation du marché
et des alternatives au marché à habitat III

LETTRE OUVERTE
Aux:
Secrétariat Général et Comité Préparatoire d’Habitat III
Directeur Exécutif d’ONU Habitat
Ministres Nationaux Responsables

31 Janvier 2016

Que la régulation sociale des
marchés de l’immobilier soit un thème d’Habitat III!


Chère Madame, cher Monsieur,

Nos organisations ont été impliquées dans le processus d’Habitat depuis
longtemps et/ou représentent les personnes qui ont été affectées par des crashs
financiers et les politiques nocives favorisant le marché. Ensemble, nous nous luttons
pour des régulations socialement fondées des marchés qui mettent fin aux spéculations
et contemplent le logement, la terre et
l’hypothèque comme des biens bénéficiant aux personnes et non au profit. Nous
sommes très préoccupé-e-s par les carences fondamentales dont fait preuve
l’état actuel des préparatifs Habitat III.

Tout le monde connaît la crise 2007-08 résultante de
bulles immobilières et de son contexte de mondialisation des marchés
financiers. Des centaines de millions de personnes dans diverses économies ont
été appauvries, de nombreux millions d’entre elles ont perdu leurs logements.
Rien qu’en Espagne, 436.235 expulsions ont eu lieu depuis 2008. Des
gouvernements, des municipalités, des communautés, des organisations sociales
et fournisseurs de logements socialement orientés dans le monde entier sont encore
aux prises avec les conséquences de ce crash.

Le modèle d’allocation de logement basé sur la propriété
privée et l’hypothécaire commercial a totalement échoué. Néanmoins, les
gouvernements persistent dans ces politiques. En Asie de l’Est, la croissance
explosive des prêts hypothécaires dans les secteurs de l’immobilier et le
financement des infrastructures pourrait mener à la prochaine crise. En Inde,
le gouvernement promeut la construction
de 100 «villes intelligentes», financées par le capital transnational au détriment
d’autres priorités sociales. A Londres, le logement social sera «réaménagé» en
faveur du marché financier. Les mégaprojets axés sur le marché, l’accaparement
des terres et les projets de rénovation urbaine déplacent les personnes et
détruisent les communautés à travers le monde. La raison en est que le capital
financier privé investit exclusivement au bénéfice du retour sur investissement
élevé pour ses partenaires financiers.

Les petits propriétaires, ainsi que les locataires et les
habitant-e-s des zones de logement non autorisées doivent en payer le prix. On
estime qu’aujourd’hui 330 millions de foyers à travers le monde sont
financièrement surchargés par les coûts de logement. En Italie, plus de 250.000
familles sont menacées d’expulsions en raison d’arriérés de loyer. À échelle
mondiale, au moins un milliard de nouveaux logements seront nécessaires d’ici à
2025 (1). Seront-ils
construits par les marchés financiers? Après des décennies de privatisation et
de déréglementation, les municipalités aujourd’hui ne disposent pas des
capacités et des partenaires à but non lucratif pour fournir un logement
convenable pour toutes et tous et pour réguler les marchés concernés (fonciers,
loyers, hypothèques …) au bénéfice de celles et ceux qui en ont besoin.

Nous croyons que la propriété doit être répartie
équitablement et régulée socialement afin d’être protégée contre la perversion de
la financiarisation et que la possession de propriété comporte un devoir envers
la société. Nous croyons également que les alternatives à la propriété privée,
qui existent dans de nombreuses sociétés (fiducies foncières communautaires et de
logement, logement social, communautés
de logement autogérées et autres), jouent un rôle important dans la satisfaction
des besoins en matière d’habitat. Leur développement et leur consolidation mondiale
représentent une des clés dans la résolution des crises du logement, de la terre
et de l’urbanisation.

Nous espérions qu’Habitat III offrirait un espace de
réflexion sur les graves leçons tirées de la crise. Ainsi, nous avons examiné
les documents de politique (‘Policy Paper Frameworks’ PPF), qui devraient
préparer la Conférence Habitat III des Nations Unies et ses résultats.
Toutefois, les documents de politique restent assez silencieux sur ces
questions, alors que le Programme pour l’Habitat II s’était engagé à ce que les
États et leurs différentes sphères de gouvernement se fondent sur des
politiques macroéconomiques justes, en vue de leur fidèle mise en pratique (2).

Nous ne pouvons pas comprendre que les faits se référant
à la crise financière et du logement ne soient -à quelques exceptions près (3)
qu’à peine mentionnés Nous sommes également déçus par le fait que les
conséquences locales de l’inégalité mondiale croissante; par exemple, la redistribution
à l’excès de la richesse mondiale entre les mains de quelques privilégié-e-s (4),
ainsi que les conséquences des accords de libre-échange (comme le TISA, le CETA,
le TPP), les mesures d’austérité transnationale et les programmes d’ajustement
structurel (par le biais des institutions financières internationales ou des
programmes de crise européenne) n’aient pas été discutées.

Nous regrettons aussi l’absence d’un débat systématique
sur la responsabilité des hommes politiques, des corporations et des banques
dans ces développements économiques. Nous ne trouvons rien sur la nécessité de
mesures politiques correctives à l’égard de la réglementation juridique du
commerce financier de l’immobilier et sur la création d’alternatives aux
marchés. Au contraire, on peut trouver un
grand nombre d’approches problématiques en faveur du marché dans les documents
de politique (5).

Nous sommes très préoccupé-e-s par les conséquences que ces
failles fondamentales pourraient avoir sur les résultats d’Habitat III. L’exclusion de
ces questions internationales représenterait une extrême régression dans les
efforts vers l’égalité et l’équité mondiale promis dans le Programme pour l’Habitat
II (1996) et, plus récemment, dans le Programme de Développement Durable 2030.
Habitat III pourrait se conclure par une trahison complète des principes et des
engagements déjà présents dans le Programme pour l’Habitat, puisque remplacé
par un «nouveau programme urbain» plus restreint et minimal. Ce qui, nous le craignons,
produira un nouveau prétexte à des attaques économiques sur nos biens communs,
nos moyens de subsistance, nos quartiers, nos droits de l’homme.

Néanmoins, nous reconnaissons l’énorme travail et les
ressources déjà investies dans les préparatifs, ainsi que les processus
ambitieux. Toutefois, la valeur de leurs résultats reste largement en deçà de l’investissement.

Les documents de politiques énumèrent de nombreux objectifs
et instruments de régulation nationale et locale des marchés du logement et
foncier (6),
que nous aimerions voir sérieusement discutés. Cependant, de même que nous ne
trouvons aucune réflexion sur les défis mondiaux de la financiarisation, nous
constatons l’absence d’un concept systématique qui concerne la mise en pratique
nécessaire des régulations transnationales des marchés connexes. Sans un
engagement clair de la communauté internationale envers les droits de l’Homme, —tel
que cela a été solennellement promis tout au long du Programme pour l’Habitat II—
et envers une organisation juste et durable
des espaces humains et des pratiques locales, le Programme pour l’Habitat qui sera mis en œuvre pour les vingt
prochaines années ne pourra pas vaincre le contexte mondial injuste qui sévit actuellement.

En toute conscience de la complexité des débats, nous
espérons vivement que les processus Habitat III qui en découlent puissent surmonter
ces anomalies et ces carences alarmantes. Afin de parvenir à un résultat
positif et crédible, nous estimons qu’Habitat III devrait immédiatement mettre
en place un groupe d’expert supplémentaire (Policy unit) (ou un groupe
similaire) qui se concentre sur la financiarisation mondiale de l’immobilier (7) en
tant que défi, pour la formulation de
recommandations en vue de la régulation politique et sociale adéquate des
marchés et des parties prenantes liées et sur les alternatives au marché
«libre» de logement, de la terre, à l’hypothèque et à la propriété privée (8).

Si un tel groupe d’expert-e-s (Policy Unit) devait être constitué,
nous serions prêt-e-s à partager nos expériences, nos propositions et nos
revendications avec la conférence.

Nous espérons que vous comprendrez nos préoccupations et
que, dans la suite du processus d’Habitat III, vous faciliter la délibération
appropriée et les contributions sur les questions mentionnées.

Dans l’attente de votre réponse rapide,

Salutations cordiales,

Habitat International Coalition (HIC), General
Secretariat, 12 Tiba Street, 2nd Floor. Muhandisin, Giza. Égypte Mobile:
+20 (0)120 647–0369, Telefax: +20 (0)2 3748–6379 Email gs
hic-net.org; Contact: Alvaro Puertas, General Secretary, email:
hic.general.secretary hic-net.org

Housing and Land Rights Network– Habitat
International Coalition, Genève, Suisse / Giza Égypte Contact: Joseph Schechla,
Tel: +20 (0)122 347-5230 Email: jschechla hlrn.org

International
Alliance of Inhabitants
c/o Unione Inquilini, via Bettella, 2/ter 35133
Padoue – Italie, info habitants.org

AK Kritische
Geografie Frankfurt
, Allemagne

Association des Comités
de Défense des Locataires 
(ACDL), Paris, France; ACDL, Centre Social
CERISE, 46 rue Montorgueil , 75002 Paris, France; contact person: Benoit
Filippi , +33686002840, ben.filippi wanadoo.fr

Dublin Tenants Association, Patrick Bresnihan, 195C North
Circular Rd, Dublin 7 bresnip tcd.ie

Forum Umwelt und Entwicklung, Marienstr.
19-20, 10117 Berlin, Tel 0049.30678177588, Contact: Jürgen Maier, chef
forumue.de

HABITA – Associçaõ pelo Direito à Habitação e à Cidade, Lisbonne, Portugal, Contact: Rita Silva, habita.colectivo
gmail.com

Habitat Netz. e.V. c/o MieterInnenverein Witten,
Schillerstr, 13, D.58452 Witten, Tel 0049.2302-51793 / Fax -27320;
Contact: Knut Unger, knut.unger habitat-netz.de

Montfort Social Institute, India, Montfort
Nagar,Uppal Hyderabad – 500 039, msihyd2009 gmail.com

Plataforma de
Afectados por la Hipoteca (PAH)
, Espagne; Contact person:
Carlos Macias, lapahdebarcelona gmail.com

TAIWAN Alliance of Anti-Forced Eviction, Add: No. 22, Lane
61, Tianxiang Rd, Zhongshan District, Taipei City, Taiwan 104, Tel: +886 2-2596
9525, Contact: Hui-yu Huang, rightstohousing gmail.com

USA Canada Alliance of Inhabitants,Robert
Robinson-Coordinator PO Box 762, New York NY 10272 email: rob.robinson423
gmail.com, phone: +01 212-252-1710

Soutiens
supplémentaires (posterieures au 31 janvier)

Observatori DESC, C. Casp, 43,
baixos, 08010 Barcelone, Espagne

Mieterforum Ruhr (Ruhr
Tenants Forum), Bochum, Allemagne



Notes de bas
de page

(1) Document de politique (PPF) 10, 1.3.
https://www.habitat3.org/the-new-urban-agenda/policy
.

(2) Habitat II Agenda, paragr. 40(a), 62,
65, 67(b), 115, 186(d), 189(b) and 201(b).

(3) Le point 1.3. du PPF 10 «Politiques du logement» résume certaines des
conséquences, mais sans discuter des mesures politiques. Le PPF 5 fait mention des
«politiques macroéconomiques», sans précision. Le PPF 6.1 fait mention de
«financiarisation» dans le cadre d’un «scénario» controversé.

La version longue du projet de rapport de la CEE pour Habitat III
comprend une collection importante et utile des faits liés à la crise financière
et du logement qui n’a pas été prise en compte dans les PPF:
http://www.unece.org/housing/committee76thsession.html#/.

Indépendamment
d’Habitat III, depuis 2008, les rapporteuses spéciales de l’ONU sur le droit au
logement ont fait d’importants rapports sur les conséquences de la
financiarisation et de ses crises sur le droit au logement. Nous espérons que
ces rapports à l’Assemblée générale ne seront pas négligés dans Habitat III: http://www.ohchr.org/EN/Issues/Housing/Pages/AnnualReports.aspx
.

(4) p. ex. le PPF 2.1 mentionne «les
disparités en augmentation entre les riches et les pauvres» comme un défi.

(5) p. ex. le PPF 5 exige un meilleur accès des municipalités aux marchés de
capitaux privés, combinés à un cadre «solide» pour la gestion de la dette qui
en résulte. Le PPF 7, .2 se concentre sur la
«permission» des marchés et des investissements privés grâce à la
«libéralisation équilibrée». Le PPF 8 propose des solutions axées sur le marché
pour des problèmes d’environnement.

(6) De nombreuses propositions importantes
pour la régulation du marché local
et national sont répertoriées dans le PPF 1 «droit à la ville»; pour
l’objectif de notre lettre ouverte, veuillez vous référer notamment au point 1.3.
Cependant, le logement locatif, le
contrôle des loyers, etc., y brillent également par leur absence. Le PPF
2 .2 mentionne
la régulation des multinationales, mais ne
précise aucuns détails. Le PPF 3 répond
à la nécessité de «Politiques
urbaines nationales», mais ne mentionne pas les investisseurs financiers
comme facteur. Le PPF 4 sur la «gouvernance» ne
mentionne pas la gouvernance transnationale
des marchés. Le PPF 7 voit la régulation comme une approche de «marché
favorable», mais soutient également l’infrastructure publique
(ce qui ne comprend pas le logement).

(7) Par « financiarisation de l’immobilier», nous comprenons la domination
de la production, la location, le commerce, le financement, l’entretien et la
gestion du logements et d’autres bâtiments, infrastructures, hypothèque et
propriété foncière selon la logique de la création de produits financiers
(obligations, etc.) pour les clients privés institutionnels et riches dans les
marchés transnationaux. Au moyen de la financiarisation, les biens communs et
autres produits de base se transforment en actifs financiers pour le commerce
mondial.

(8) Bien que des alternatives aux titres de pleine propriété soient
mentionnés dans quelques documents de politique (PPF 6, PPF 10), il est
étonnant que le rôle important des logements locatifs ne soit exclusivement mentionné
que dans el PPF 10: 1,2 milliard de personnes est, dans le monde, locataire.

* Télécharger la lettre ouverte.