Se loger, oui, mais à quel prix ?

Priorité politique ou pas. Crise ou pas crise. Besoin de plus de logements sociaux ou non. Flambée des prix oui mais pas plus qu’ailleurs et plutôt moins par rapport à d’autres capitales… Qu’importe ! Il y a un fait certain : de plus en plus de Bruxellois éprouvent des difficultés à se loger décemment. Une problématique qui, jusqu’à il y a peu, ne touchait que les couches « défavorisées » mais atteint à présent la classe moyenne bruxelloise. Que ce soit en termes d’accès à l’acquisition ou à la location. Ainsi, ceux qui, voilà cinq ans, n’ont pas acheté la petite unifamiliale à 100.000 ou 125.000 euros s’en mordent les doigts. Aujourd’hui, elle vaut le double.

C’est là le constat majeur à tirer de ces cinq dernières années en matière de logement. Et ce, malgré les mises en garde répétées du secrétaire d’Etat au Logement, le PS Alain Hutchinson. Lui qui a eu fort à faire, d’abord, en héritant (d’un collègue socialiste) d’une situation peu reluisante. Trop souvent, ensuite, isolé au sein de l’exécutif. Et, finalement, entendu sur le tard. Malgré, aussi, les efforts que le gouvernement finira par consentir (primes à la rénovation, réduction du droit d’enregistrement, Fonds du logement, rénovation du parc social).

En cinq ans, ce même exécutif parviendra tout de même à ficeler le Code du logement. Outil essentiel de lutte contre l’insalubrité, brandissant le droit de gestion publique (prise en gestion de biens privés vides ou insalubres pour en faire du logement public), le code entrera en application ce 1er juillet.

Du moins en ce qui concerne les nouvelles normes de salubrité. Parce que, pour la mise en œuvre du droit de gestion publique, PS et MR divergent. Les premiers souhaitent qu’il soit applicable sur tout le territoire régional. Les seconds, uniquement sur des périmètres délimités. Du coup, l’outil ne sera opérationnel qu’au cours de la prochaine législature. Si, toutefois, le futur gouvernement s’accorde sur son application.

Parallèlement, Alain Hutchinson a obtenu, au forceps, un accord gouvernemental – certains parlent d’une « simple prise d’acte » – au sujet de son plan pour l’avenir du logement bruxellois. Soit la construction de 5.000 logements en cinq ans (1.500 moyens et 3.500 sociaux) pour un investissement de 600 millions d’euros financé par le privé. Ici, l’idée est de mobiliser les réserves foncières ou immobilières des pouvoirs publics (toujours pas évaluées à ce jour) et de les mettre à la disposition du privé qui rénove ou construit via un bail emphytéotique de 27 ans. Plan dont l’éventuelle mise en œuvre reviendra également au futur gouvernement.

Si tant est que les investisseurs privés se laissent tenter par un rendement locatif, somme toute peu attractif, estimé entre 2 % et 4 %. Rien n’est moins sûr. D’autant que les fortunes diverses des contrats de quartier bruxellois (investissements publics avec l’espoir d’entraîner des investissements privés) montrent à quel point ce genre de plan peut se révéler aléatoire.

Au Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat (le RBDH fédère cinquante associations), on s’interroge aussi sur l’avenir du secteur. L’association vient de rédiger un bilan de cinq ans de politique du logement à Bruxelles (1). Avec cette question en guise de conclusion : De 1999 à 2004, le pourcentage des dépenses régionales allouées au logement, par rapport aux dépenses régionales globales, est passé de 3,5 % à 4,1 %. Le logement est-il réellement « la » priorité dont nous parlent tous nos politiques ?•

(1) « Art. 23 » disponible sur internet à l’adresse www.rbdh-bbrow.be.

Repères

Le logement à Bruxelles. On compte 485.000 logements en Région bruxelloise dont 50.000 sont publics. Parmi ces derniers, il y a 38.680 logements sociaux. Soit 8,1 % du parc immobilier bruxellois, contre 17,9 % en Flandre et 25,1 % en Wallonie. A Paris, ce chiffre atteint les 50 % alors qu’à Londres, on compte 70 % de logements publics. Parallèlement, on estime qu’il y a entre 15.000 et 20.000 logements vides à Bruxelles.

Les Bruxellois. Il y a 25.000 familles en attente d’un logement social. Parfois depuis dix ans. Par ailleurs, sur le million de Bruxellois, avec un pouvoir d’achat et un revenu les plus faibles du royaume, 50 % se trouvent dans les conditions d’accès au logement social. Soit 200.000 ménages.

Budget régional « logement ». Il tourne autour des 100 millions d’euros (le budget global de la Région est de 2 milliards). Sur cette enveloppe, en 2004, 25 millions sont consacrés à la rénovation des logements sociaux. Une rénovation inscrite dans un plan quadriennal (2002-2005) de 200 millions d’euros prévus pour rénover la moitié du parc. Si les budgets seront engagés dans les délais prévus, sur le terrain, ce plan devrait arriver à terme en 2008-2009. Après, la Région devra encore s’attaquer à la rénovation du reste des logements sociaux.

Les prix du marché. Entre 1997 et 2002, en Région bruxelloise, le prix moyen d’une maison a augmenté de 31,2 % et celui des appartements de 37,7 %. Aujourd’hui, le prix moyen d’une maison dépasse les 200.000 euros. Quant aux loyers, il n’est pas rare de constater des augmentations jusqu’à 50 % sur ces cinq dernières années. Loger décemment une famille de quatre personnes à moins de 800 euros par mois est devenu quasi impossible. Avec un loyer moyen qui avoisine les 740 euros.

Source: Le Soir