Vendredi 27 Juillet
INTERVIEW | 20h19
Foto source: www.20minutos.es
Pour le rapporteur de l’ONU sur le logement, Miloon Kothari, certains principes et les droits humains n’ont peut-être pas été respectés.
Le collectif de Rhino a envoyé une lettre au rapporteur spécial des Nations Unies sur le logement convenable pour réclamer son intervention. Les squatters dénoncent une expulsion qu’ils jugent «illégale sur le plan international». Le rapporteur spécial, l’Indien Miloon Kothari, s’est entretenu longuement mardi avec le procureur général Daniel Zappelli. Cet architecte, qui s’est battu dans le passé à travers le monde aux seins d’associations pour le droit au logement et à la terre, s’exprime sur le cas de Rhino.
TdG. Une vingtaine de squatters genevois demandent votre expertise. N’est-ce pas exagéré alors que vous devez vous pencher sur des problèmes de logements autrement plus vitaux à travers le monde?
MK. Ce n’est pas exagéré. J’effectue ce travail de rapporteur depuis 7 ans.
Sur de mes trois dernières missions, deux se sont déroulées dans des pays développés, en Australie et en Espagne. Les problèmes y sont différents. Mon mandat qui consiste à défendre le droit à un logement décent est global. A Genève, la spéculation immobilière est le principal problème. Ma préoccupation dans un cas comme celui de votre ville est que la politique du logement soit équitable. Si une seule personne est à la rue, je suis préoccupé.
TdG. L’évacuation de Rhino respecte-t-elle le droit international?
MK. Je voudrais tout d’abord la placer dans un contexte plus large, celui de la question du logement. A Genève, la spéculation immobilière est intense et les loyers très élevés. Les squats sont liés à ce problème. Une large réflexion doit être menée. Ensuite, ma deuxième préoccupation concerne la manière dont l’évacuation s’est déroulée. Selon les premières informations dont je dispose, il pleuvait fortement. Il y avait des femmes enceintes et des enfants. Il faudra vérifier si Genève a suivi les principes de bases en matière d’expulsion que la Suisse doit respecter. De manière générale, mon souci principal réside dans le respect des droits humains.
TdG. Vous arrive-t-il souvent de recevoir des lettres similaires à celle des squatters de Genève?
MK. Oui, mais c’est la première fois qu’une telle requête vient de Suisse.
Je suis régulièrement saisi par des groupes d’habitants expulsés de différents pays. Ce qui est intéressant cette fois-ci, c’est que Genève est la cité des droits humains, ou du moins veut se profiler comme telle. Si Genève veut vraiment cette appellation, elle doit respecter les standards de base dans ce domaine.
Quels sont ces principes ?
Nous ne disons pas que les expulsions sont interdites, mais elles doivent demeurées exceptionnelles. Tout d’abord, il faut que les autorités consultent les habitants, puis cherchent une alternative et ensuite effectuent une analyse de l’impact de l’éviction. Il y a des principes à respecter avant, pendant et après l’expulsion. Par exemple, l’évacuation ne doit pas être ordonnée par mauvais temps, la nuit ou lorsque les enfants sont à l’école. Les autorités doivent aussi prévenir les personnes avant l’évacuation et leur proposer une alternative.
TdG. Pourtant, dans le cas de Rhino, il s’agit d’une occupation illégale d’un bâtiment. Les principes de l’ONU ne mentionnent pas ce type de cas?
MK. Dans les principes que nous avons élaborés, il est difficile de mentionner toutes les situations. Mais, je suis persuadé que certains principes s’appliquent à la situation de Rhino. Même dans un cas d’illégalité, les droits humains doivent être respectés.
TdG. Quelle suite allez-vous donner à ce dossier?
MK. J’ai demandé des explications au gouvernement suisse et genevois, et je vais attendre leur réponse. En septembre, je compte rencontrer des représentants de ces deux instances et le procureur général du canton de Genève. Je vais essayer de comprendre la situation et, s’il y a lieu, je formulerai des recommandations.
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Pas d’expulsion par mauvais temps
Miloon Kothari a été nommé rapporteur spécial de l’ONU sur le logement en septembre 2000. Son mandat consiste à défendre le droit au logement à travers le monde. Il rapporte ses observations au Conseil des droits de l’homme à Genève. Ne disposant pas de pouvoir judiciaire, le rapporteur formule des recommandations. Il a élaboré des principes de base sur les expulsions forcées. «Nous ne disons pas qu’elles sont interdites, mais les évacuations doivent demeurer exceptionnelles. Il y a des principes à respecter avant, pendant et après l’expulsion», explique-t-il. Par exemple, l’évacuation ne doit pas être ordonnée par mauvais temps, la nuit ou lorsque les enfants sont à l’école. Les autorités doivent prévenir par écrit les personnes avant l’évacuation et leur proposer une alternative de logement. Toute expulsion doit être autorisée par la loi et entreprise uniquement dans le but de promouvoir l’intérêt commun. Toute décision d’expulsion doit faire l’objet d’un examen administratif et judiciaire.
JYC