Politique d’accaparement des terres à Fanaye (Sénégal), spéculation foncière et organisation des populations locales

Contexte général:

Le village de Fanaye (aussi conu sous le nom de
Fanaye Ndoro Gallé Allah) est le chef lieu de communauté rurale: Il se situe au
Nord du Sénégal sur la rive droite du fleuve dans le département de Podor (à la
porte du Fouta-Toro), dans le département de Saint Louis. La route nationale N
2 traverse Fanaye dans sens Est-Ouest, et le fleuve Sénégal est au nord. Fanaye
est à 25 km à l’est de la ville de Dagana.

Les villes les plus proches sont Dagana (à
l’ouest) et Thillé Boubacar (à l’est).

Dakar, la capitale du Sénégal, se situe à environ
435 km.

Sa population est estimée à environ 9000
habitants.

Il est composé de quatre quartiers: Fanaye-Walo,
Fanaye-Diéry, Sima, Salndé et Niakwar (Fanaye Niakouar).

Fanaye est aussi le nom de la communauté rurale
regroupant plusieurs villages autour de Fanaye-Diery.

Le côté idyllique du projet:

Projet de 20 mille hectares de
graines tournesol à Fanaye – Un investissement de 100 milliards de F Cfa

Un Groupe dénommé Senhuile SA, détenu à 49% par
des Sénégalais et 51% par des Italiens (Tempieri financial group), compte
réaliser un investissement de 100 milliards de FCfa sur cinq ans, pour
l’exploitation de 20 mille hectares de graines de tournesols avec une
production annuelle de 180 mille tonnes dans la communauté rurale de Fanaye
(département de Podor). Un projet qui promet de créer 2500 emplois avec une
masse salariale annuelle de 5 milliards de FCfa.

Le groupe composé de Senhuile S.A et Senethanol
S.A va réaliser un projet de production de graines de Tournesol et de
Bioéthanol sur une superficie de 20 mille hectares dans le Ferlo, plus
précisément dans la communauté rurale de Fanaye (département de Podor, région
de Saint-Louis). Un investissement de 100 milliards de FCfa sur cinq ans. Ledit
Groupe a ainsi signé une convention de partenariat dans ce sens, hier mardi 13
septembre à Dakar avec l’Institut sénégalais de recherche agricole (Isra). Un
acte qui, selon les clauses du partenariat, marque l’engagement des deux
parties à développer en coopération, des activités de production, de
transformation et de recherche d’accompagnement, et d’exportation en créant,
ensemble, les conditions techniques et financières nécessaires à la bonne mise en
œuvre de ce projet.

Ce projet pour lequel les responsables disent
avoir obtenu l’agrément de l’Apix, se donne comme objectif de « promouvoir
l’exploitation de graines de tournesol et la production de bioéthanol pouvant
contribuer à l’atteinte de l’indépendance énergétique du Sénégal, d’une part,
et de résorber une partie significative du chômage des jeunes par la création
d’emplois permanents, d’autres part ».

Le Président du Conseil d’administration de
Senhuile Sa, M. Gora Seck, a confié que ce groupe est détenu à 49% par des
privés sénégalais et 51% par leur partenaire italien Tempieri financial group.
Le directeur des opérations de la société, Momath Ba a assuré que « Senhuile va
faire cet investissement de 100 milliards de FCfa au Sénégal pour la production
de graines de tournesol en vue de l’exportation vers un partenaire stratégique
qu’est Tempieri financial group qui aura à l’utiliser pour ses usines de production
d’huile de tournesol ». A l’en croire, ce projet renferme également un volet
consistant à utiliser le restant de la plante de tournesol par la Senethanol,
filiale de Senhuile, pour faire du bioétanol. « La société Senetanol a été
créée suite à la crise pétrolière et suite à l’appel du président de la
République qui a suscité les partenariats entre privés étrangers et sénégalais
pour trouver une alternative au pétrole. Cette société a collaboré avec la
communauté rurale de Fanaye pour une concession portant sur 20 mille hectares
pour une exploitation agro-industrielle ».

Actuellement, a-t-il assuré, « notre société a
fait l’investissement, les machines agricoles sont arrivées au port de Dakar et
vont être acheminées à Fanaye pour le démarrage des travaux en vue d’un premier
bateau à la fin de mois de décembre 2011, tout au plus dans la première
quinzaine du mois de janvier 2012 ». Les projections faites sur la production
laissent apparaître les ambitions des responsables de ce projet. A en croire le
directeur de l’exploitation de Senhuile, Momath Ba, « la production journalière
sera de 550 tonnes. On voudrait faire un bateau de 35 mille tonnes chaque mois
pour une production annuelle de 180 mille tonnes ». M. Bâ d’estimer qu’«il
faudra prévoir une rotation de 35 camions par jour à partir de Fanaye vers le
port de Dakar pour une exportation d’un à deux bateaux vers l’Italie». Avant de
préciser que la production est destinée à 100% à l’exportation vers le
partenaire italien Tempieri financial group.

Les responsables de cette société, épaulés par
ceux de l’Isra dont son directeur général, M. Macoumba Diouf, ne doutent pas
des retombées de ce projet. « Il aura un impact certain avec une masse
salariale de 5 milliards de FCfa par an pour 2500 emplois qui seront créés et
qui seront quasiment composés de locaux et techniciens agricoles. C’est dans ce
cadre que nous avons signé un protocole d’accord avec l’Isra pour un
accompagnement pour bénéficier de l’expérience de cette institution dans
l’exploitation de notre projet ».

Dans cette dynamique, le directeur général de
Senhuile, M. Benjamin Dummai a confié que le projet à un volet social destiné
aux populations de Fanaye avec la construction d’écoles, d’hôpitaux, de
forages… Sur cette lancée, M. Momath Ba a fait savoir que le projet prévoit
l’édification d’un canal tout autour des surfaces d’exploitation. Ce, pour
permettre aux populations d’utiliser l’eau qui sera irriguée à partir du bras
du fleuve Sénégal pour faire de la culture et abreuver leur bétail. En plus, «
nous allons les aider à travers une culture fourragère pour l’alimentation de
leur bétail ». Ce qui amène le directeur général de l’Isra, M. Macoumba Diouf, à
préciser que « ce projet n’est pas compétition avec la production alimentaire
même s’il utilise le Tournesol comme matière première ».

A l’en croire, il y aura d’autres spéculations
qui seront développés avec des cultures de contre-saison permettant de fixer
les populations. Dans l’optique de mener à bien ce projet, les responsables de
Senhuile comptent beaucoup miser sur la sensibilisation des populations
riveraines « pour leur faire comprendre que c’est un projet pour le Sénégal
avec un investissement lourd de 100 milliards FCfa et c’est la chance de la
communauté rurale de Fanaye. Ce qui est sûr c’est que 90% des emplois qui
seront créés seront issues de Fanaye », a assuré le directeur de l’exploitation
de Senhuile.

… Mais ce projet de 20 mille hectares, octroyés
à un investisseur privé italien dans le cadre de l’exploitation de
biocarburant, est source d’une vive tension dans la zone depuis que le conseil
rural a délibéré son exécution.

Une partie de la population, qui est contre ce
projet, a par deux fois battu le macadam pour dire qu’elle ne veut pas de ce
projet. Puisque les terres en question appartenaient à leurs ancêtres et que
les procédures pour leur exploitation n’ont jamais fait l’objet de concertation
avec les villageois. ‘Faux’, rétorque Karasse Kane, le Pcr. Qui dit que tout a
été fait dans les règles de l’art.

Mieux, selon lui, ce projet, qui s’étend sur une
période de quinze ans, va investir une centaine de milliards au profit des
populations locales. Le Pcr de poursuivre notant que des forages seront
construits dans sa collectivité.

Selon lui, des centaines de jeunes y
travailleront et il est prévu de payer quatre mille francs par jour pour chaque
travailleur ; ce qui sera une véritable bouffée d’oxygène, soutient Karasse
Kane.

Le revers de la médaille:

La cession de 20 000 hectares de terre à des
investisseurs italiens, sans véritable consultation avec les populations, a
provoqué une explosion de colère dans la communauté rurale de Fanaye, dans la
vallée du fleuve Sénégal.

Politique d’accaparement des
terres – Les ruraux organisent la résistance

Si l’Etat ne prend aucune disposition face au
bradage des terres au profit des investisseurs privés, les populations ne
pourront plus se nourrir de leurs terres. C’est l’alerte sonnée par les
responsables du Cncr qui étaient en atelier d’échanges à Ndioum.

La réforme foncière et les enjeux de la
sécurisation des exploitations familiales constituent les vraies difficultés
auxquelles le Sénégal est confronté depuis des décennies.

C’est dans ce cadre que le Conseil national de
concertation et de coopération des ruraux (Cncr) a organisé un atelier sur le
foncier dans la commune de Ndioum. Les préoccupations essentielles restent
relatives au portage politique des propositions du Cncr et aux stratégies
locales de résistance face aux accaparements de terres.

Les acteurs ont échangé sur les difficultés
rencontrées par les exploitations familiales, sur l’accès ou la sécurisation
des terres et sur les stratégies à adopter par le mouvement paysan face à ce
fléau.

Alioune Guèye, Secrétaire général du Conseil
régional de coopération des ruraux (Crcr), qui animait l’atelier, a sonné
l’alerte sur la gestion foncière telle qu’elle est menée depuis des années par
nos gouvernants.

Il pense, en effet, qu’il est une urgence pour
les autorités de penser à sécuriser la terre. Car, dit-il, si toutefois des
dispositions ne sont pas prises rapidement, d’ici peu les Sénégalais ne vont
plus se nourrir de leurs terres. Parce que, celles-ci sont aujourd’hui bradées
au profit des investisseurs privés.

Cet atelier de réflexion, qui a réuni les
responsables du Cncr et des Crcr de Matam, Podor, Saint-Louis et Tambacounda,
l’Upar, le Cadre de réflexion et d’action sur le foncier (Craf), entre autres,
a permis de cogiter sur les mesures d’accompagnement à prendre et de soutien à
mettre en place pour garantir la mise en oeuvre opérationnelle de la réforme
foncière, proposée par le mouvement paysan.

Les travaux de groupe ont aussi permis
d’échanger sur les mécanismes de plaidoyer et les stratégies d’alliance pour
lutter contre le phénomène d’accaparement des terres, mais aussi et surtout de
demander et d’obtenir une réforme foncière qui prendra bien en compte les
préoccupations des exploitations familiales. Selon Oulimatou Ly, présidente du
Crcr, c’est l’occasion de réfléchir sur les voies et moyens de contrecarrer le
phénomène.

Au cours de ces grands moments d’échanges, le
Secrétaire général du Crcr a recommandé à l’Etat à ce qu’il fasse plus
d’efforts pour mieux sécuriser le foncier rural et les exploitations familiales
en accélérant le processus des réformes foncières qui dorment toujours dans les
tiroirs.

Les différents participants à cet atelier ont
été donc suffisamment informés du cadre juridique et institutionnel du foncier.
Mieux, les risques pouvant être occasionnés par une réforme non concertée ont
aussi fait l’objet d’analyse et les propositions paysannes de réforme foncière
émises en 2004 ont été discutées. De nouvelles propositions ont été formulées
sur les enjeux de la réforme faiblement pris en compte.

Les différents participants ont également saisi
cette occasion pour dire non à la dilapidation de nos terres. Et ils ont opposé
un niet catégorique face aux 20 mille hectares de terres octroyées à des
investisseurs italiens dans le cadre de l’exploitation du biocarburant dans la
communauté rurale de Fanaye. Pour Oulimatou Ly, ’20 mille hectares au profit
d’une seule personne, c’est trop’.

Communauté rurale de Fanaye –
Un collectif dénonce l’accaparement des terres

Une partie de la population de la communauté
rurale de Fanaye s’oppose à l’octroi des terres pour un projet agricole
sénégalo-italien. A la suite des explications des promoteurs dans notre édition
du 28 septembre dernier, un Collectif pour la défense des terres de Fanaye
apporte sa position sur cette affaire.

Le Collectif pour la défense des terres de
Fanaye (département de Podor) précise dans un document parvenu à notre
rédaction que les 47 villages de leur localité n’ont jamais accepté d’octroyer
20 000 hectares de terres au projet sénégalo-italien pour la culture de
tournesol. Selon les membres du collectif, les populations sont opposées à ce
projet. Ils ont rappelé que les populations de Fanaye sont confrontées, depuis
quelques mois, à ce problème d’accaparement de leurs terres.

Le Collectif explique qu’il s’agit de
l’attribution à titre privé d’un terrain de 20 000 ha dans la communauté rurale
à la société Senethanol. Dans le mémorandum, le groupe des conseillers ruraux a
fait savoir que c’est dans le courant du mois de juin que le président du
conseil rural de Fanaye leur a fait parvenir des convocations en vue de
délibérer sur l’attribution d’un terrain d’une superficie de 20 000 ha au
profit de la société citée plus haut. Cette société devrait utiliser ces terres
pour la réalisation d’un projet de production d’éthanol à partir de la culture
de la patate douce et non de tournesol.

Selon le Collectif, le président de la
communauté rurale, dans sa démarche, a mis les conseillers et les populations
devant le fait accompli car les convocations ont été envoyées à ces derniers à
moins de 24 heures du jour de la réunion de délibération. Le Pcr, poursuit le
Collectif, a ainsi réussi à créer sa petite majorité en faisant voter le projet
avec 23 voix pour et 21 contre.

Malgré l’opposition d’une bonne partie des
conseillers ruraux pour vice de forme et pour nécessité de se concerter avec
les populations en particulier les chefs de villages, cela n’a pas été possible
de faire revenir le Pcr à la raison, ajoute le Collectif. Pourtant, les
populations de la communauté rurale ont jugé inadmissible l’attribution d’une
si grande superficie à une seule personne dans une zone dite agro-pastorale,
lit-on dans le document. Un tel projet engendrait d’immenses dégâts
économiques, sociaux et environnementaux car les éleveurs et les cultivateurs
qui vivent depuis des siècles dans cette zone devront être déguerpies des lieux
où elles disposent de pâturage pour le bétail, des terres cultivables, des lacs
et des forêts qui risquent en même temps de disparaître, lit-on dans le
mémorandum.

Le Collectif informe que les populations de la
communauté rurale se sont fortement mobilisées pour dénoncer ce projet
d’accaparement de leurs terres, ce qui les avait obligés à organiser au mois de
juillet dernier une marche pour manifester leur mécontentement.

Le collectif déclare ne pas croire aux promesses
du Pcr annonçant que le projet apportera à la communauté rurale la somme de
800. 000. 000 francs Cfa. Selon le Pcr cette somme permettra de construire deux
hôpitaux, douze forages, des collèges, des lycées et plusieurs autres infrastructures.
Malgré cette promesse, les populations n’accepteront jamais que leurs terres
soient bradées, précise le Collectif.

Accaparement des terres – Un
projet de biocarburant fait deux morts dans la Vallée du Fleuve Sénégal

La cession de 20 000 hectares de terre à des
investisseurs italiens, sans véritable consultation avec les populations, a
provoqué une explosion de colère, le mercredi 26 octobre 2011, dans la
communauté rurale de Fanaye, dans la vallée du fleuve Sénégal.

Des affrontements ont démarré, faisant une
vingtaine de blessés. L’hôpital de Ndioum a reçu un corps sans vie, et un
blessé grave est mort des suites de ses blessures.

Cela fait déjà plusieurs mois que la colère
monte à Fanaye. Plusieurs mois que les habitants s’opposent à ce projet italien
d’investissement dans le biocarburant : les autorités locales ont en effet
négocié avec les porteurs du projet l’attribution de 20 000 hectares de terres.

« C’est le tiers de toutes les terres
cultivables de la communauté rurale », se lamente Ahmadou Thiaw, du collectif
de protestation formé par les villages concernés. Et il poursuit : « 20 000
hectares c’est trop, ça va complètement étouffer la communauté rurale. C’est un
projet qui n’est pas viable et pas acceptable par les populations ».

Les habitants de Fanaye que RFI a pu joindre se
plaignent de l’attitude du président du conseil rural qui a agi, disent-ils,
sans véritable concertation et qu’ils soupçonnent de ne défendre que son
intérêt personnel.

Mercredi, ces habitants ont voulu profiter d’une
réunion de l’instance locale pour manifester. Le mouvement a dégénéré en
affrontement avec des défenseurs de l’élu local. Coups à l’arme blanche, tirs
de fusils artisanaux : un premier homme est mort sur place, renforçant la
colère des populations qui s’en sont prises à la maison communautaire. Selon le
chirurgien chef de l’hôpital de Ndioum, un autre homme est mort dans la soirée
des suites de ses blessures.

« Tout le monde attend que l’État intervienne
pour stopper les travaux, explique Ahmadou Thiaw, la population défend son
patrimoine. Les gens sont tellement attachés à leur terre ».


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