Apprendre la politique du logement par le bas lors du Festival international du logement social 2023

Le Festival international du logement social (ISHF) 2023 (Barcelone, 7-9 juin 2023) a été un espace d’échanges et de débats autour de différentes expériences et modèles pour sécuriser l’offre de logements sociaux et abordables, mettant également en évidence les opportunités et les limites pour faire progresser ces modèles en tenant compte du contexte mondial actuel, ainsi que des particularités régionales et locales. Le Festival international du logement social (ISHF) est une initiative de Housing Europe, qui a également eu lieu à Helsinki (2022), Lyon (2019) et Amsterdam (2017).

Sous le thème principal “Apprendre des défis et des réponses politiques des systèmes de logement matures et émergents”, le ISHF a encouragé les dialogues entre les expériences de différentes régions, en particulier celles de l’Europe du Sud, des Amériques et de Barcelone et la crise du logement actuelle à laquelle la région est confrontée. Les discussions ont porté sur divers modèles de soutien à la fourniture de logements, par le biais de différents acteurs, sur l’utilisation de subventions pour garantir l’accessibilité financière ou sur le rôle des instruments d’aménagement du territoire pour soutenir les initiatives en matière de logement abordable. Une attention particulière a été accordée à la construction d’une approche intersectionnelle entre le logement et d’autres aspects tels que la migration, la justice climatique, la justice en matière de soins et de genre, ainsi que les perspectives intergénérationnelles.

Le festival a été l’occasion d’entendre de nombreuses voix d’acteurs et d’institutions impliqués dans l’élaboration de politiques et d’initiatives en matière de logement. Au-delà des acteurs traditionnels, des voix se sont fait entendre de la part de fournisseurs de logements sociaux à but non lucratif, de coopératives, de projets de logement menés par la communauté, d’organisations universitaires et de recherche, ainsi que d’observatoires du logement, de gouvernements locaux et régionaux, d’organisations de locataires et de mouvements sociaux, d’agences de logement et d’autres encore.

HIC au ISHF 2023

Dans cet esprit, les activités menées par les adhérent-e-s de HIC et leurs alliés ont également mis en évidence la diversité des acteurs et des approches pour défendre le droit à un logement adéquat. En particulier, nous soulignons les activités promues par le réseau Cohabitat, y compris une session axée sur les villes menant des initiatives de logement dirigées par la communauté en France, en Belgique, en Espagne et dans d’autres pays, ainsi que la réunion annuelle des membres du réseau, qui s’est concentrée sur la mise à jour de leur stratégie et de leur plan d’action.

Le 8 juin, HIC ainsi que le CIDEU, la Plateforme mondiale pour le droit à la ville, l’Institut international pour l’environnement et le développement, l’Observatoire DESC, l’Unité de planification du développement Bartlett de l’UCL et Cités et gouvernements locaux unis et sa Commission sur l’inclusion sociale, la démocratie participative et les droits de l’homme ont organisé un atelier conjoint intitulé “Politiques de logement d’en bas : stratégies de coproduction locale pour la justice en matière de logement”.

L’objectif de cette session était d’aborder la manière dont la politique du logement est façonnée par les acteurs locaux à l’intérieur et à l’extérieur des institutions publiques et comment ces pratiques répondent à l’urgence du logement par des actions à court et à long terme à travers le monde, en mettant l’accent sur les alliances qui conduisent ces initiatives, en particulier entre les gouvernements locaux et la société civile.

Au-delà d’un diagnostic partagé, l’atelier a abordé les diverses modalités qui composent la politique du logement, sur la base de trois piliers pour faire progresser le droit à un logement adéquat :

  • Reconnaître les droits au logement de ceux -celles qui sont systématiquement victimes de discrimination, ainsi que les processus de logement qui se déroulent au-delà du domaine de la planification formelle ;
  • Protéger les droits au logement en mettant en place des réglementations, des cadres et des incitations adéquats, y compris la réglementation du marché, la protection des différentes formes de propriété foncière et les réglementations contre les expulsions forcées et la discrimination,
  • Satisfaire les droits au logement par la fourniture directe d’unités de logement, en construisant de nouvelles maisons pour les conserver et les gérer en tant qu’unités publiques locatives ou pour les donner en propriété privée, ou en récupérant le parc immobilier existant, y compris en permettant différentes formes de logements dirigés par la communauté et coproduits.

L’atelier s’est ouvert sur une table ronde consacrée aux expériences de reconnaissance, de protection et de mise en œuvre du droit au logement au niveau local. Présidé par Zaida Muxí, professeur à la Escuela Técnica Superior de Arquitectura de Barcelona, Universidad Politécnica de Cataluña, le panel s’est ouvert sur les témoignages de María Elisa Rocca, directrice générale du logement abordable, Instituto de Vivienda de la ciudad de Buenos Aires, Argentine, Lucía Delgado, Plataforma de Afectados por la Hipoteca, Espagne et Leilani Farha, directrice de The Shift Global.

María Elisa Rocca s’est concentrée sur les outils dont disposent les gouvernements locaux et régionaux pour collaborer avec la société civile, en partageant l’expérience d’amélioration participative de quartier menée à Villa 20 depuis 2016, dans le cadre de laquelle une série d’ateliers participatifs ont été organisés avec les habitants afin de rédiger un plan directeur pour la réurbanisation du quartier. Lucia Delgado a parlé des 14 années de lutte de la Plataforma de Afectados por la Hipoteca et du rôle clé des organisations locales de base dans la conduite et l’élaboration de changements dans la politique du logement dans différents domaines. En particulier, Lucia a mis l’accent sur la stratégie progressive suivie, en donnant la priorité à l’organisation communautaire et à la solidarité, en commençant par des actions pour faire face à la vague sans précédent d’expulsions à la suite de la crise hypothécaire de 2008, puis en s’appuyant sur cette mobilisation et la connaissance collective pour informer les politiques et la législation qui reflètent réellement la réalité quotidienne des personnes ayant besoin d’un logement. Enfin, Leilani Farha s’est appuyée sur son expérience en tant que rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable pour partager les stratégies adoptées pour renforcer la capacité d’action des gouvernements locaux et régionaux, telles que la Déclaration des villes pour un logement convenable (2018), soulignant le rôle clé joué par les villes pour faire le lien entre la proximité qu’elles ont avec les habitants et la demande de réponse à des questions de plus en plus complexes qui dépassent leurs capacités et leurs compétences, et la capacité d’agir ensemble au niveau international pour défendre l’action des gouvernements locaux et régionaux et de la société civile.

Après le panel, les plus de 40 participants présents à l’atelier ont pris part à une série de discussions participatives sur les stratégies mises en œuvre par différents acteurs pour reconnaître, protéger et faire respecter le droit au logement. Les participants ont été invités à partager les principaux défis auxquels ils sont confrontés dans leur travail lié au droit au logement au niveau local et à identifier des pratiques, des stratégies et des alliances concrètes et diverses. Les participants ont réfléchi ensemble à ce qui avait été partagé, cherchant à identifier les raisons pour lesquelles ces initiatives émergeaient stratégiquement au niveau local.

En général, l‘un des principaux défis observés était lié à l’aggravation des conditions d’accès à un logement adéquat et à la nécessité de renforcer un paradigme qui reconnaisse le logement comme un droit et non comme une marchandise. Les participants ont partagé, tant du point de vue de la société civile que de celui des autorités locales, différentes stratégies pour avancer sur la voie de la reconnaissance et de la protection du logement en tant que droit, allant de la campagne au plaidoyer à long terme, en passant par la recherche et l’action directe. En ce qui concerne les réponses concrètes préconisées et menées par les participants, le rôle des alliances entre les acteurs de terrain, les entreprises sociales et les gouvernements locaux a été souligné, en particulier en ce qui concerne les possibilités de faire progresser d’autres modèles de fourniture de logements qui reposent sur le leadership des communautés, avec divers systèmes d’occupation, tels que ceux menés par les coopératives. Le rôle de la réglementation et de la législation a été largement souligné, en particulier en ce qui concerne les défis liés à la reconnaissance juridique de certaines de ces initiatives, mais aussi la manière dont les progrès en matière de réglementation au niveau local et régional peuvent être réalisés en termes de réglementation des loyers et d’utilisation des terres.